En janvier dernier, Google a lancé un tsunami sur le monde de la data en annonçant la suppression des cookie tiers d’ici deux ans sur son navigateur Chrome, qui représente 60% de part de marché.
Les cookies tiers ? Vous savez ceux qui font que quand vous regardez une paire de chaussures sur Sarenza, vous retrouvez comme par magie cette exacte même paire sur votre feed Instagram ! En d’autres termes : ce sont des traceurs qui récoltent nos données personnelles pour nous proposer une meilleure publicité ciblée.
Alors à qui profite cette annonce ? Google me direz-vous, forcément. Mais puisque l’on va devoir s’en accoutumer (Google Is King), ne peut-on pas en profiter pour repenser nos stratégies publicitaires afin d’en tirer des opportunités ?
Comprendre : qu’est-ce qu’un cookie exactement ?
Avant toute chose, reprenons les bases. L’invention des cookies remonte à 1994 (déjà !) par des ingénieurs de la société Netscape. Il s’agit d’un fichier texte envoyé par le serveur web (du site que l’on consulte) à notre navigateur qui le stocke sur un disque dur. Il va ainsi pouvoir collecter des données. Techniquement, dans le fonctionnement de la récolte de données, il n’y a aucune différence entre les types de cookies existants.
Les cookies propriétaires ou first-party cookies
Ces cookies sont utilisés par les propriétaires des sites web et permettent de suivre de façon anonyme notre passage direct sur un site : pages vues, ajouts au panier, identifiants de connexion. Ces cookies ne sont pas transmis d’un site à un autre. Ils sont généralement considérés comme « utiles » car ils permettent d’améliorer l’expérience des utilisateurs sur le site.
Les cookies tiers ou third-party cookies
Ces cookies, transmis d’un site à un autre, sont placés par le serveur d’un domaine distinct (Google par exemple) de celui du site visité. C’est ceux-là qui permettent le ciblage publicitaire.
Et les cookies second-party ?
Certains nient l’existence de ces cookies de seconde partie, notamment car la frontière est fine avec les cookies tiers. Il s’agit réellement de données first-party échangées ou vendues entre deux partenaires : deux entreprises du même secteur peuvent effectuer un partenariat pour proposer du ciblage publicitaire grâce à la donnée de l’autre. Ces données partenaires viennent ainsi enrichir les données propriétaires de chacune des entreprises du partenariat.
Une annonce sans surprise avec un objectif caché
Pour certains experts, l’annonce de Google de supprimer les cookies tiers d’ici 2022 n’a pas été une surprise. En effet, entre 2017 et 2019, des filtres anti cookies avaient déjà commencé à être mis en place par les navigateurs concurrents, Safari, Edge et Firefox.
Les utilisateurs exigent de plus en plus de confidentialité et cherchent une transparence totale de la part de leur navigateur. Ils veulent avoir le choix et le contrôle de leurs données, et il est clair que l’écosystème Web doit évoluer pour répondre à ces demandes croissantes. Les cookies tiers sont au cœur du problème. C’est pour cette raison que nous prenons la décision de les supprimer progressivement
Justin Schuh, Directeur de Chrome Engineering
Une nouvelle qui semble être surtout pensée pour garantir la vie privée de ses utilisateurs… Avec un impact indéniable sur le ciblage publicitaire comme on le connaît aujourd’hui ainsi que la mesure des conversions.
En réalité, cela permet surtout de renforcer l’image de Google, mais sans rien changer pour lui. En effet, grâce à tous ses services (gmail, youtube, maps, android, analytics…) , Google dispose déjà de son propre écosystème de données. En gros : il va exploiter ses propres données de cookies propriétaires (évoqués plus haut) !
Ainsi, en regroupant les différentes données de ses services, Google nous prouve qu’il peut tout à fait continuer à tracer les utilisateurs de manière très précise, pour proposer de la publicité ciblée, sans même l’utilisation de cookies. Une façon pour Google d’asseoir son pouvoir face à la concurrence, qui devient ainsi encore plus dépendante des données propriétaires du géant américain.
Des alternatives pour anticiper
Pour les acteurs de la publicité digitale qui dépendent des cookies tiers, l’annonce a fait l’effet d’une douche froide. Criteo, acteur majeur du reciblage publicitaire, a notamment observé une chute de 15,9% du cours de son action en bourse suite à l’annonce.
Comment se préparer et trouver des alternatives possibles aux cookies tiers, afin d’être opérationnels dans deux ans lorsqu’ils ne seront définitivement plus acceptés par Chrome ?
Exploiter les données propriétaires pour les éditeurs
L’exploitation plus poussée des données de cookies propriétaires paraît indispensable.
Par quels moyens ? En utilisant notamment le login : cette fonctionnalité permet aux utilisateurs de se connecter à son compte sur un site, pour accéder à du contenu supplémentaire ou un compte fidélité par exemple.
Cela implique cependant d’augmenter le volume d’utilisateurs qui créent un compte. Comment ? En instaurant une relation de confiance avec les utilisateurs (contenu qualitatif, volume de publicités respectueux, expérience utilisateur globale), ces derniers auront davantage envie de créer un compte. Avec cette source de données couplée avec leur CRM ou DMP, les éditeurs n’auront plus besoin de cookies tiers.
La stratégie du people-based marketing
Liées directement aux cookies propriétaires, les campagnes people based permettent de toucher des prospects ciblés et identifiés grâce à du profiling d’audience : l’identity resolution. Les annonceurs s’adressent ainsi à un véritable individu sur tous ses écrans, pas à un cookie de navigateur. L’identification de ses clients passe notamment par le login ou l’exploitation de ses données de CRM par exemple.
Google ou Facebook proposent déjà de créer des campagnes basées sur une audience people based ou look alike (audience similaire), grâce aux données profils et comportements des utilisateurs loggués à leurs services. Véritable stratégie marketing réfléchie, le people-based marketing permet notamment le croisement de données online et offline pour obtenir des profils précis et complets, et toucher les utilisateurs à un moment clé de leur parcours d’achat
L’alternative Google : la Privacy Sandbox
Cette suite d’API proposée par Google doit remplacer les cookies tiers et permettre de continuer le ciblage publicitaire, tout en respectant la vie privée des internautes. Elle propose également une solution à la mesure et l’attribution des conversions, vouée à disparaître avec les cookies tiers. Cependant, le contenu de la Privacy Sandbox est encore flou sur certains points, mais se positionne comme l’une des solutions principales pour le marché publicitaire.
Notre objectif pour cette initiative en open source est de rendre le web plus privé et sécurisé pour les utilisateurs, tout en soutenant les éditeurs
Justin Schuh, Directeur de Chrome Engineering
Nul doute que Google travaille également sur d’autres solutions, et que la disparition des cookies tiers dessine le futur visage de l’industrie publicitaire.
Sources
https://liveramp.fr/blog/people_based_marketing_comment_ca_marche/